Il
atteignit une clairière et comme toujours, selon son habitude,
il s'arrêta avant de s'y engager. Tout déplacement
à découvert devait d'abord être étudié,
mesuré. Il se tapit, retint sa respiration. Le lieu paraissait
on ne peut plus calme. Il risqua un pas, puis un autre. L'endroit
était désert. Il traversa l'endroit en son centre, observant
tout de même les lieux sur la droite et sur la gauche. Le
danger vint de l'arrière.
Un bras s'était refermé sur sa
gorge, un genou s'était appliqué au creux de son
dos, l'obligeant à se mettre à genoux. Pas moyen de lutter
contre cette force qui l'avait pris par surprise. Dans le même
temps, deux hommes avaient surgi des taillis, légèrement
sur la gauche. Il s'agissait, de toute évidence, de deux
gallo-romains, habitués à sillonner les bois à
la recherche de gibier ou de personnes à détrousser.
La seconde catégorie se faisant de plus en plus rare, ils
n'avaient pas hésité en voyant le garçon s'aventurer
seul. Une proie apparemment facile.
- C'est bon, Felix, lâche-le. Ce n'est
qu'un gamin, nous ne craignons rien, dit l'un des deux arrivants,
une espèce de colosse à la tête carrée
dans laquelle s'enfonçaient deux énormes yeux globuleux.
L'étreinte se relâcha et Aetius
put s'asseoir, se frottant la nuque, douloureuse. Il se tourna
et put enfin voir son agresseur, qui n'avait pas le faciès
plus engageant que ses deux compagnons.
- Alors mon garçon, dit ce dernier, on
s'aventure seul dans la forêt ? Quelle imprudence !
- Je m'aventure où bon me semble et je
n'ai ni ordre ni conseil à recevoir de vous !
- Eh les amis, dit le troisième, ce garçon
m'a l'air plutôt en colère. Peut-être
qu'une bonne correction le calmerait ?
- Oui, mais avant, nous pourrions peut-être
le décharger de toutes ces choses qui l'encombrent. Je
suis sûr que nous allons découvrir des merveilles.
Mon nez me dit même que de la bonne nourriture se trouve
dans ce sac. Je me trompe ?
- Je ne vous conseille pas d'y toucher ou même
d'en avoir seulement l'intention. Vous pourriez le regretter !
reprit Aetius.
Les trois manants s'esclaffèrent, amusés
par ce jeune garçon qui leur tenait tête. Il y avait
bien longtemps qu'ils n'avaient ri d'aussi bon cœur.
D'un bond, Aetius s'était dressé,
se servant de ses jambes comme deux ressorts. Il effectua une
sorte de saut périlleux, ce qui lui permit de se retrouver
à quelques pas de ses agresseurs, face à eux, une flèche
encochée à son arc. Ceux-ci n'avaient pas eu le temps
de réagir.
- Le premier qui bouge peut dire adieu à
la marche à pied. Cette pointe de flèche est assez
solide pour vous briser le genou. Et si ce n'est pas suffisant,
je puis aussi m'occuper de vos épaules.
- Des blagues, des blagues, tout cela, garçon.
Tu n'auras pas le courage.
- Détrompez-vous.
- Et quand bien même, tu n'aurais pas
le temps d'encocher une nouvelle flèche que nous serions
sur toi.
- Vous voulez essayer ?
Les trois manants hésitaient. Le risque existait. L'un
d'entre eux aurait la rotule détruite et si l'enfant pouvait
réarmer rapidement son arc, il pouvait encore abattre l'un
d'entre eux. Finalement, leur problème était de
savoir qui serait le rescapé, chacun espérant que les
autres se feraient toucher.
- Très bien, je vois que vous hésitez.
Asseyez-vous, j'ai une proposition à vous faire.
Après un instant de réflexion,
les trois hommes obéirent. Après tout, ils pouvaient
ainsi gagner du temps.
- Ecoutez-moi bien maintenant. Ce que je vais
vous dire n'est pas une invention, une histoire fabriquée
ou un mensonge. Elle est la vérité, elle est la
réalité de ce qui est, de ce qui se passe dans ces lieux
en cet instant. Je vais vous dire aussi ce que l'avenir peut nous réserver
et ce que nous pouvons faire ou devons faire pour que les jours
à venir soient meilleurs. Si vous acceptez vous serez récompensés
de telle manière que vous n'aurez plus besoin de traîner
dans les forêts à la recherche de victimes innocentes.
Si vous refusiez, je devrais vous abattre car vous seriez un obstacle
à la réussite de ma mission.
Les trois hommes n'en croyaient pas leurs oreilles.
Mais ils furent impressionnés par le ton et la conviction
que le garçon mettait dans ses propos. Il émanait
de ce jeune homme une force spirituelle dont ils ne pouvaient
définir l'origine mais lorsque Aetius commença son récit,
ils furent tout ouïe et burent ses paroles jusqu'à la dernière.
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