Il
était grand, pas loin de six pieds, large d'épaules et
bombait un torse impressionnant. Sa tête carrée où
brillaient deux petits yeux noirs, était surmontée
d'un chapeau de fourrure épaisse. Sa bouche, lippue, découvrait
des dents jaunâtres ou noircies. Il s'arrêta à quelques
pas du centurion.
- Commencez Mandos, ne perdons pas de temps.
L'interprète commença son questionnement, s'y reprenant
à plusieurs fois, utilisant des mots différents,
apparentés à la langue des Francs saliens mais déformés
volontairement. Le visage du Rhénan, tout d'abord hermétique,
sembla s'illuminer et il répondit par quelques mots incompréhensibles
pour les spectateurs.
- Alors Mandos ? Qu'est-ce qu'il raconte ?
- Que Krungle, son chef puissant et vénéré
l'envoie.
- Mais encore ?
S'ensuivit un nouvel échange de termes qui comparés
à la langue latine, mélangeaient savamment le phonétiquement
désagréable et la sonorité gutturale.
- Son chef demande la reddition du camp.
Le centurion faillit s'étrangler tandis
que dans un mouvement réflexe sa main s'était posée
sur le manche du poignard qu'il avait à la ceinture. Il
se remit, reprit sa respiration.
- Continuez Mandos.
- Il dit qu'ils détiennent quinze de
nos soldats, vivants, ainsi qu'une trentaine de villageois. Qu'ils
les rendront en échange de ce camp et du jeune garçon
qui a blessé son chef. Ce sont les conditions sur lesquelles
ils ne transigeront pas.
- C'est pas croyable ! Aetius a blessé
le chef. Nous voilà bien maintenant.
- Il dit encore que nous devrons quitter les
lieux, nous retirer à au moins vingt milles* d'ici. Ils
ont besoin d'occuper cette place car ils sont eux-mêmes
pourchassés par d'autres tribus qui arrivent de l'est.
- Dites à ce barbare que nous allons
réfléchir, qu'il nous laisse jusqu'à la prochaine
lune. Il nous faut gagner du temps - ça il ne faut pas
le lui dire.
Mandos transmit le message du centurion. Le
visiteur eut l'air de s'en contenter car il afficha un grand sourire
et énonça encore quelques phrases.
- Il dit aussi que s'il ne revient pas demain
c'est que son chef vénéré et puissant accepte
la proposition.
Le guerrier tourna les talons tandis que le
garde romain, quittant les deux autres cavaliers, rejoignait le
camp.
- Qu'est-ce que vous pensez de ça, Mandros,
demanda le centurion.
- Qu'ils ont un avantage certain. Un coup de
force ne servirait à rien, d'ailleurs nous ne savons même
pas où ils se cachent. Un refus catégorique mettrait
les otages en danger.
- Gardes ! Faites chercher les prêtres
! hurla le centurion.
La nouvelle avait vite gagné le vicus.
La consternation qui s'en suivit toucha tout le monde. Aetius
se voyait très ennuyé. D'un côté, il était
prêt à se rendre si cela pouvait libérer ses amis
mais il ne voulait pas céder au chantage. Et puis, les
Rhénans tiendraient-ils leur parole ? Qu'adviendrait-il
vraiment des soldats romains une fois qu'ils ne seraient plus
protégés par leur camp ? Les villageois auraient-ils
réellement la vie sauve ? Les barbares, en s'emparant des
lieux n'allaient-ils pas détruire les temples et souiller la
Montagne Sacrée ? Personne au vicus ne cherchait à
l'influencer et les habitants lui avaient fait comprendre qu'ils
respecteraient sa décision, quelle qu'elle soit.
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